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Campagnes - Sexisme, violences et gestion des fonds publics -

Lettre ouverte au Président du Conseil régional des Pays-de-la-Loire et au Maire de Bournezeau - 08/07/09

Monsieur le Président, Monsieur le Maire,

L’association « Elu/es Contre les Violences faites aux Femmes » (ECVF) a été créée en 2003 par des élu/es de tous partis en direction d’élu/es de tous partis dans l’objectif d’informer et de soutenir les élu/es et les collectivités de tout niveau territorial qui souhaitent s’investir dans la lutte contre les violences faites aux femmes. C’est dans ce cadre que nous nous permettons de vous alerter, en tant que financeurs du festival Le Chant de Foire et responsables politiques du territoire où se déroule ce festival, sur la programmation d’un rappeur nommé OrelSan.

Il a beaucoup été question, dans la presse, de l’une des chansons de ce chanteur, « Sale Pute », dont vous avez sans doute déjà pu apprécier les paroles. Contrairement aux affirmations d’OrelSan et à l’information tronquée d’une partie de la presse, cette affaire dépasse largement le cadre de cette seule chanson. Il s’agit aussi de la chanson « Suce ma bite pour la Saint-Valentin » qui certes ne fait pas partie de l’album « Perdu d’avance », mais qui est toujours chantée sur scène (notamment le 17 avril 2009 à Mulhouse et le 13 mai 2009 à Paris), et de plusieurs autres des chansons de son album qui sont également porteuses d’un message de haine contre les femmes, les gays et les lesbiennes :

Suce ma bite pour la Saint-Valentin : (…) (Mais ferme ta gueule) ou tu vas t’faire marie-trintigner / J’te l’dis gentiment, j’suis pas là pour faire de sentiments / J’suis là pour te mettre 21 centimètres / Tu seras ma petite chienne et je serai ton gentil maître (…) / J’bois, baise, jusqu’à c’que t’en sois mal en point (...) / Vis le sexe comme un conte de fées, depuis qu’j’ai mon BAFA / J’respecte les shneks avec un QI en déficit / Celles qui encaissent jusqu’à finir handicapées physiques (...) / Viens bébé on va tester mes nouvelles MST !

Étoiles invisibles : C’est pas en insultant les meufs dans mes r’frains que je deviendrais quelqu’un mais j’aime bien.

Sous influence : J’rêve de péter les dents d’l’autre pétasse des Pussycat Dolls

Changement : Maintenant les meufs portent du Vuitton, des grosses lunettes dorées / Avant c’était qu’pour les vieilles putes blondes décolorées / Les gars s’habillent comme des meufs et les meufs comme des chiennes / Elles kiffent les mecs effeminés comme si elles étaient lesbiennes

Différent : J’finirais par acheter ma femme en Malaisie (...) / Renseigne toi sur les pansements et les poussettes / J’peux t’faire un enfant et te casser l’nez sur un coup de tête / Poulette pourquoi tu veux pas sortir avec moi ? / J’adore passer par les p’tits trous j’adore me sentir à l’étroit

Courez courez : Petite, essaie pas de me fréquenter / Ou tu va perdre ton pucelage avant d’avoir perdu tes dents de lait (...) / J’suis pour de vrai de vrai, j’dis c’que j’pense, j’pense c’que j’dis / Tout ce que j’écris c’est du premier degré, hé ! (...) / Les féministes me persécutent, me prennent pour Belzebuth / Comme si c’était d’ma faute si les meufs c’est des putes / Elles ont qu’à arrêter de d’se faire péter l’uc / Et m’dire merci parce que j’les éduque, j’leur apprend des vrais trucs / Des fois j’sais plus si j’suis misogyne ou si c’est ironique / j’serai peut-être fixé quand j’arrêterais d’écrire des textes où j’frappe ma p’tite copine

Pour mémoire, voici les paroles de Sale pute, chanson qu’OrelSan ne chante plus sur scène, mais dont le clip est toujours visible sur internet :

J’te déteste j’veux que tu crèves lentement / Avant je t’aimais maintenant j’rêve de t’voir imprimée de mes empreintes digitales / On verra comment tu suces quand j’te déboîterais la mâchoire / T’es juste une truie tu mérites ta place à l’abattoir / On verra comment tu fais la belle avec une jambe cassée / J’veux te voir rendre l’âme j’veux te voir retourner brûler dans les flammes / Si j’te casse un bras considère qu’on s’est quittés en bons termes / J’vais te mettre en cloque (sale pute) / Et t’avorter à l’opinel / J’te collerai contre un radiateur en te chantant Tostaki [Chanson de Noir désir, probablement en référence au meurtre de Marie Trintignant par le chanteur de ce groupe de musique].

Sans commenter ces textes plus qu’ils ne le méritent, vous pouvez constater par vous-mêmes la manière dont ils banalisent les violences physiques, le viol, la transmission volontaire du sida et d’autres MST, et le meurtre des femmes qui ne répondent pas aux exigences de certains hommes dont OrelSan se fait le porte-parole. A cela, il faut encore ajouter l’homophobie et la pédocriminalité.

La complaisance envers des propos aussi violents que ceux chantés par OrelSan est dangereuse. Car, qui consent aux mots finit par consentir aux actes. Et les actes en France, ce sont :

Dans le couple, entre 2005 et 2006
- 4,3% de femmes menacées ou injuriées, soit 776 000 femmes.
- 3% de femmes violentées physiquement, soit 541 000 femmes.
- 0,7% de femmes violées, soit 126 000 femmes

Au total, 10% de femmes sont victimes de violences conjugales, soit 1 800 000 femmes.

- Une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint.

En dehors du couple, entre 2005 et 2006
- 16,9% de femmes injuriées, soit 3 049 774 femmes.
- 5,5% de femmes menacées, soit 992 000 femmes.
- 2,5% de femmes violentées physiquement, soit 451 000 femmes.
- 5,9% de femmes sexuellement agressées, soit 1 065 000 femmes.
- 1,5% de femmes violées, soit 270 000 femmes.

Sources : ENVEFF 2000 – INSEE 2008

Pourquoi mettre en avant ces chiffres, alors qu’il ne s’agit que de quelques chansons ?

Parce qu’il existe un continuum entre les violences les plus légères, comme les violences verbales, et les violences les plus graves : violences physiques, agressions sexuelles, viols, meurtres. Les premières préparent l’acceptation des autres en sapant la résistance des individus : victimes ou témoins potentiellement en mesure d’intervenir. Elles confortent aussi les agresseurs dans leur violence.

La culture et l’éducation sont des axes majeurs pour faire changer les mentalités, s’ouvrir aux autres et permettre la découverte de nouvelles pratiques d’expression. C’est pourquoi nous vous demandons de réagir à la présence au festival Le Chant de Foire d’un chanteur qui profite d’un statut d’artiste et de la crainte des responsables politiques d’être qualifiés de censeurs, pour proférer des appels meurtriers à la haine.

« Gouverner, c’est choisir » et financer une action relève toujours d’un choix politique en fonction d’un projet de société. Le refus de voir Orelsan sur des scènes musicales financées par des fonds publics ne peut être considéré comme une atteinte à la liberté d’expression. Nous sommes personnellement très attaché/es à la liberté d’expression, mais, telle qu’elle est internationalement reconnue, elle connaît une limite : l’appel à la haine et au meurtre. Cette limite lui donne un sens et permet à la démocratie et au vivre-ensemble d’exister. Or, les textes précédemment cités ont largement franchi cette ligne rouge.

Nous vous remercions de l’intérêt que vous porterez à notre demande et attendons de connaître votre position sur la présence de ce chanteur au festival Le Chant de Foire.

Pour le bureau d’ECVF Michèle Loup Conseillère régionale Présidente d’ECVF



Lettre ouverte