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Dans la presse -

Pour une politique globale d’aide aux femmes victimes de violences-Le Monde-23/06/10

Point de vue

Pour une politique globale d’aide aux femmes victimes de violences

LEMONDE.FR Mis à jour le 23.06.10 | 09h16

Marie-Ange Le Boulaire, membre d’élu(es) contre les violences faites aux femmes

En 1994, je suis devenue une victime. Victime de Patrick Trémeau, violeur en série multirécidiviste. Victime de ce crime odieux qui détruit toutes les neuf minutes la vie d’une femme en France. Victime d’une société qui culpabilise les femmes de s’être trouvées là où il ne fallait pas, de n’avoir pas su se défendre. J’ai la chance d’être là pour témoigner, parler au nom de celles qui n’ont pas encore réussi à transformer leur traumatisme en force. D’autres se sont tues à jamais. Tous les deux jours et demi, une femme est tuée sous les coups de son conjoint, selon une étude de l’ENVEFF (enquête nationale sur les violences envers les femmes en France). Pour trouver une explication, certains observateurs "avisés" évoquent des "drames d’ordre personnel". Quel dénigrement ! Une femme frappée à mort par son ex-mari jaloux, ce n’est pas un problème relevant de l’intime ou de la passion amoureuse, c’est un problème de société, un problème qui nous concerne tous ! Car, s’il y a bien une violence "égalitaire", qui fait fi des catégorisations socioprofessionnelles, c’est la violence conjugale. Une femme sur huit en est victime. La plupart se taisent de peur de ne pas être entendues, parce que la violence ne se voit pas toujours. Elle est souvent insidieuse, tapie dans une détresse qui se niche, loin des regards extérieurs. Etre une victime, c’est souffrir dans sa chair pendant des semaines, des mois, voir des années. Une seule solution pour se sortir de cette souffrance : être reconnue en tant que victime pour un jour pouvoir enfin dire "Je ne suis plus une victime". Les 22 et 23 juin, une nouvelle loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes sera débattue au Sénat. Elle a le mérite de proposer des réponses spécifiques à ce type de violence : former l’ensemble des professionnels, proscrire la médiation pénale, protéger les enfants, obliger les auteurs à se faire soigner, introduire la notion de violences psychologiques… Mais une politique efficace ne peut se fonder exclusivement sur les droits des victimes. En effet, nombre d’entre elles ne sont pas encore ou ne pourront jamais s’inscrire dans le dispositif judiciaire. UNE COORDINATION NATIONALE INTERMINISTÉRIELLE S’IMPOSE Une politique d’aide globale est pleinement justifiée. Une victime ne doit pas être lésée par une segmentation administrative d’un autre âge. Fragile et souvent perdue dans les dédales que façonnent les rouages de l’Etat, elle a besoin de l’appui d’une chaîne de responsables agissant dans les domaines policier, judiciaire, sanitaire, familial, social et professionnel. Les associations font un travail remarquable depuis des années : écoute, aide juridique, groupes de parole, plateaux téléphoniques anonymes… Certains ministères tentent de répondre à ces préoccupations. Le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a créé en 2005 une délégation aux victimes et mis en place une charte d’accueil des victimes au sein des commissariats et des gendarmeries. Il a également installé plus de deux cents brigades de protection de la famille sur l’ensemble du territoire national depuis le mois d’octobre dernier. Le ministère de la justice et des libertés a ouvert des bureaux d’aide aux victimes dans les palais de justice. Mais ces actions sont encore trop limitées, parcellaires et ne permettent pas une égalité de traitement des victimes au niveau national. Le moment est venu de passer à la vitesse supérieure ! Une coordination nationale interministérielle s’impose. Elle permettrait de répondre efficacement à toute personne victime (de tout type d’infractions) et de façon équitable sur l’ensemble du territoire, de cibler les actions locales qui ont fait preuve de leur efficacité et de les appliquer nationalement. Elle favoriserait aussi une réelle valorisation du travail des associations, tout en aidant les différents ministères et les collectivités territoriales à la mise en place d’actions en faveur des victimes. La mise en place de cette coordination nationale permettrait également de reconnaître officiellement le statut de victimes. Il ne faut pas oublier qu’au cœur de ce dispositif, il y a des femmes, des enfants et des hommes en souffrance, qui ont le droit que tout soit mis en œuvre pour qu’un jour, ils puissent ne plus être des victimes et se réinsérer dans la société, cette société qui semble encore trop souvent les oublier.

Marie-Ange Le Boulaire est membre de la commission départementale d’actions contre les violences faites aux femmes de Paris, maire adjointe à l’éducation de la ville de Saint-Leu-la-Forêt, auteur du livre Le viol (Flammarion), journaliste et réalisatrice d’une série de trois documentaires sur les victimes, dont le dernier volet : Jugé coupable, reconnues victimes, a été diffusé le 27 mai dans l’émission "Envoyé Spécial" sur France 2. Marie-Ange Le Boulaire, membre d’élu(es) contre les violences faites aux femmes

http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/06/23/pour-une-politique-globale-d-aide-aux-victimes_1377116_3232.html