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Agenda public -

Les 30 ans de la loi Roudy sur l’égalité professionnelle

Le 12 Juillet 2013, un hommage a été rendu par la Ministre des droits des femmes, Madame Najat Vallaud-Belkacem, à Madame Yvette Roudy pour le 30° anniversaire de la loi du 13 juillet 1983 sur l’Egalité Professionnelle.

Madame Yvette Roudy, Ministre des droits de femmes de 1981 à 1986, est ensuite revenue sur l’histoire de cette loi et ses vœux pour l’avenir.

Ci-dessous le discours prononcé :

"Merci, Chère Najat, d’avoir pensé à ce 30° anniversaire que, pour ma part, j’avais complètement oublié, tant j’étais habituée à ce que cette loi soit superbement ignorée.

J’ai une pensée à cet instant pour Christiane Gilles qui m’a tant assistée dans ce travail.

En vérité je n’ai qu’une ou deux choses à ajouter à ce que tu viens de fort bien rappeler.

  La première, c’est qu’il s’agit d’une loi de rupture. Jusque là toutes les lois concernant le travail des femmes étaient des lois de protection. Il convenait de protéger les femmes dans leur capacité de procréation que certains travaux très pénibles, au fond de mines et dans les usines, compromettaient au 19° siècle. Cette loi, issue du Parlement européen, mais que j’ai largement enrichie, est une loi d’égalité.

  La seconde, c’est mon regret que cette loi ne soit pas appliquée. Faute d’être soutenue d’une part par les intéressées elles-mêmes - que je ne blâme pas de ne pas la connaître -, car il n’y a rien de plus stupide que l’adage qui voudrait que nul n’est censé ignorer la loi. Mais beaucoup plus responsables sont ceux qui étaient chargés de l’appliquer et n’en ont rien fait : les entreprises, les syndicats, les partis politiques, les gouvernements successifs. C’est d’ailleurs une chose étrange et bien française de ne pas appliquer les lois. Bizarre, car il y a des pays où il en va tout autrement. J’ai pu le constater lors d’une mission en 1990, lorsque j’étais encore Parlementaire. Dans les pays scandinaves et particulièrement en Finlande, et aussi au Québec, au Canada et même aux USA, où cette loi a servi de modèle, elle donne d’excellents résultats. Lorsque j’étais au gouvernement de 81 à 86 j’avais créé une cellule composée de 2 à 3 personnes, chargée de la faire connaître et de veiller à son application. Ces personnes prenaient contact avec les entreprises de plus de 50 employés, expliquaient, conseillaient. C’était une façon de veiller à ce que le rapport obligatoire, le fameux rapport de situation comparée que les entreprises sont obligées de produire chaque année, donne lieu à de véritables plans d’égalité qui permettaient à des femmes qui travaillaient au sein de l’entreprise de bénéficier de formation professionnelle, qui leur permettait de monter en grade tout en restant dans l’entreprise, ou même de bénéficier d’équivalences, et d’accéder ainsi à de meilleurs salaires. La valeur égale ou équivalence était en effet prévue par la loi. Avant que le ministère ne vole en éclat en 1986, j’avais réussi à produire un nombre significatif de plans d’égalité. Non sans mal je dois le dire. La difficulté essentielle étant d’obtenir que les Directions des Ressources Humaines s’intéressent à la question, qui, au demeurant, est excellente pour l’économie, ne coûte rien puisque couverte par la formation professionnelle. Il fallait aussi le soutien des inspecteurs du travail et des syndicats eux-mêmes…

Mais tout ce qui est nouveau dérange les habitudes, il faut le savoir. L’inertie, la culture de la reproduction à l’identique sont nos pires ennemis. Sans parler des stéréotypes qui ont la vie dure. Bref, il y a quelques années, j’ai appris que le rapport obligatoire - pierre angulaire de la loi - qui devait être communiqué aux Comités d’entreprise et aux femmes elles-mêmes, si elles le souhaitaient, qui devait donner lieu à une discussion, à l’élaboration des Plans d’Egalité… ce rapport, était devenu un acte de routine dont on se débarrassait sur un coin de table avant de l’archiver… verticalement. Les responsables étaient revenus à leurs vieilles habitudes.

Je me félicite que notre Président ait bien voulu entendre les voix de celles qui ont insisté pour qu’il restaure ce Ministère des droits des femmes à part entière qui a primauté sur tous les autres Ministères dans la mesure où la question des droits des femmes est, par nature, transversale. Je suis sûre, ma Chère Najat, que tu as entendu dire comme moi il y a 30 ans, que ce que tu demandes est impossible, parce que … « Cela ne s’est jamais fait ». Tout comme on doit te dire aujourd’hui que « Rien n’est possible, au motif qu’il n’y a pas d’argent ». Sauf qu’une circulaire aux Inspecteurs du travail les rappelant à leurs devoirs ne coûte rien, que les plans d’égalité peuvent être financés par la formation professionnelle dont l’argent est disponible, (et qu’il bénéficie largement aux travailleurs masculins), bref, que beaucoup peut être fait sans frais.

Je terminerai sur un rêve que j’exprime souvent : je rêve du jour où les associations féminines et féministes seront considérées comme des syndicats, seront consultées régulièrement. Je rêve du jour où elles se prépareront à ce rôle fondamental en réalisant leur union pour commencer, parce que unies elles seront plus fortes, elles pourront proposer, s’imposer.

Mon dernier vœu serait que dans 30 ans toutes ces inégalités spécifiques, propres à notre qualité de femmes, appartiennent au passé ; mais pour l’heure, ce n’est pas le cas et je crains qu’il nous faille encore un Ministère des droits des femmes énergique, revendicatif, qui s’impose, efficace, de plein droit, intervenant dans tous les domaines, pendant encore… quelques siècles."

Voir aussi la page et les photos de l’évènement sur le site du ministère des droits des femmes ici